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Saturday, December 17, 2016

Ton Frère et non plus ton « Bamenda ».Lecture de la crise anglophone au Cameroun sous le prisme de la théorie de la reconnaissance.




Par Djabo Mataba Consultant.

 







Quel est le désir humain fondamental ? Être heureux sans doute, mais comment l’être ? Cette nécessité ne met pas seulement en jeu le rapport de l’homme à la nature, elle met surtout en exergue notre rapport à nos semblables.  Or, chacun veut être reconnu par les autres, dit Hegel. Le désir humain essentiel est donc le désir de reconnaissance. Mais, qu’est-ce que cela veut dire, être reconnu ? Quel rapport avec le bonheur de tous les Camerounais aujourd’hui ? Commençons par expliquer un certain nombre de concepts.

            La notion de « reconnaissance » a pris ces dernières décennies une place tout- à- fait considérable dans les analyses sociologiques, politiques et philosophiques. Après l’ouvrage de Fukuyama La fin de l’histoire et le dernier homme (1992), qui proposait une relecture complète de « l’histoire du monde » sous l’angle de la « lutte pour la reconnaissance », ont été publiés, par exemple, le livre de Ricœur, Parcours de la Reconnaissance (2004), ou encore celui d’Emmanuel Renault L’expérience de l’injustice –Reconnaissance et clinique de l’injustice (2004), pour n’évoquer que quelques titres dans une production bibliographique en constante expansion. Une de ces productions a pourtant attirée notre attention : c’est l’ouvrage sans doute le plus « reconnu » en ce domaine et qui à bien des égards, joue un rôle fondateur, ou du moins un rôle de référence actuellement, pour les analyses philosophiques et sociales en termes de « reconnaissance ». C’est La lutte pour la reconnaissance (Alex Honneth, paru en 1992, traduit en français en 2000), complétée et enrichie par la publication d’un important recueil de textes rassemblés sous le titre La société du mépris vers une nouvelle Théorie critique.

Dans la lignée de la Théorie critique[1], Axel Honneth se donne pour but d’analyser les processus de développement social vécus comme manqués ou perturbateurs et qu’il désigne sous le nom de « pathologies sociales[2] ». De la reconnaissance dépend la possibilité des individus de mener une « vie bonne ». Or, tout cela présuppose la possibilité non évidente de pouvoir établir les critères universels d’une « vie bonne », celle qui mène à l’accomplissement ou à la « réalisation de soi ».

Il ne s’agit pas ici pour nous, de faire un commentaire intégral de cet ouvrage ou de l’œuvre d’Honneth, mais de nous permettre, tout d’abord, de remettre la théorie de la reconnaissance dans son contexte initial  notamment avec certains de ses précurseurs à l’instar d’Hegel et de Marx ; ensuite de comprendre, expliquer l’origine ou les origines de la crise qui secoue aujourd’hui la partie autrefois occidentale de notre pays ; Solliciter la théorie de la reconnaissance dans la question anglophone au Cameroun et, traiter de ces enjeux, reviendront déjà à savoir quels en sont les fondements, et dans quelle mesure la reconnaissance est nécessaire, aux individus, à nos concitoyens du Nord-ouest et du Sud-Ouest, pour se construire une identité positive. En corrélation avec cette question, on se demandera dans quelle mesure l’introduction du concept d’identité, dans la critique de notre société est pertinente et/ou dangereuse?

 

I - Les fondements  et les enjeux de la théorie de la reconnaissance[3]

Cette première partie consistera à retracer, dans un premier  moment les substrats théoriques de la théorie de la reconnaissance avec les auteurs Hegel et Marx (A) et dans un second moment,  à ressortir l’essentiel de cette théorie avec Axel Honneth (B).

A-    Influences de Hegel et Marx

     1-Hegel  et sa conception de la subjectivité humaine

L’idée première de Hegel sur la reconnaissance est développée dans ses textes de sa jeunesse, notamment l’article Sur les manières de traiter scientifiquement du droit naturel de 1802, le Système de la vie éthique de 1803-1804, et la Realphilosophie de 1805 et enfin Phénomélogie de l’Esprit. La reconnaissance correspond chez Hegel à l’essence de la subjectivité/personnalité humaine.

Dans son approche, au lieu de penser la société comme un champ de lutte pour l’existence[4] que l’Etat viendrait pacifier,  Hegel envisage la réalité sociale comme le lieu d’une confrontation morale ayant pour finalité la reconnaissance mutuelle des individus contrairement à l’aspect d’une lutte pour la conservation de l’identité physique développée par la philosophie sociale moderne  née de Machiavel et Hobbes.

Hegel fait de la reconnaissance, un acte symbolique de reconnaitre quelqu’un comme humain en lui accordant un état de sociabilité humaine. Reconnaissance rime chez lui avec humanisation[5]. Ainsi il distingue trois sphères de reconnaissance :

Premièrement, la reconnaissance  affective : restreinte au cercle familial dans lequel l’individu, par l’amour et ses manifestations qu’il reçoit, voit ses besoins concrets reconnus.

Deuxièmement, la reconnaissance juridique : l’individu  acquiert une reconnaissance civile laquelle le dote des droits et se trouve ainsi reconnue par la société civile.

Troisièmement, la reconnaissance de l’Etat : l’individu acquiert une reconnaissance de l’État instance suprême ; laquelle lui autorise  des liens de solidarité qui constituent la vie éthique.

En somme, l’idée de reconnaissance développée par Hegel se résume en la subjectivité humaine reconnue par l’amour, le droit et « l’éthicité » ; étapes  essentielles dans la vie d’un individu et  lui permettant d’acquérir  une  reconnaissance individuelle en tant que personne autonome et singulière.

 

      2-Marx et la lutte des classes.

Karl Marx  fonde sa conception de la reconnaissance dans deux concepts majeurs : le matérialisme historique et le concept d’aliénation.

Le matérialisme historique conçu d’une philosophie de l’action, précise que « le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. » En effet dans la société capitalisme, ce n’est pas dit-il, la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience.

Ensuite le concept d’aliénation développé par Marx décrit le processus par lequel l’individu s’identifie à des formes de domination, justifiées par le système de productivité capitaliste. C’est alors que  Karl Marx, pour mettre fin à cette domination des prolétaires, introduit une lutte pour la reconnaissance[6] pour que ceux-ci (les prolétaires) soient reconnus et restitués dans leurs droits sociaux.

On peut ainsi souligner les effets positifs de l’héritage marxiste qui permit, à son époque, d'affermir le droit des classes ouvrières de faire entendre leur manque de reconnaissance.

 

B- La théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth.

        1- « La lutte pour la reconnaissance »

Axel Honneth s’est donné pour mission de  relancer la théorie critique au moyen d’une théorie de la reconnaissance. C’est alors que dans le champ de la philosophie sociale et pratique, il a formulé le programme La lutte pour la reconnaissance. Il s'y attache à identifier les mécanismes qui, dans le capitalisme contemporain, empêchent les êtres humains d'accéder à la réalisation de soi, en insistant sur l'importance de la reconnaissance et du respect de l'individu.

En appuis aux travaux d’ Hegel mais aussi en se basant sur les acquis de la psychologie sociale de George Herbert Mead à Donald Winnicott, il propose de comprendre les confrontations sociales sur le modèle d'une « lutte pour la reconnaissance », ce qui suppose que la réalisation de soi, comme personne, dépend très étroitement d’une reconnaissance mutuelle.

Le terme reconnaissance désigne pour lui,  une attente fondamentale, un besoin subjectif, relevant d’une l’anthropologie philosophique. En effet  selon Axel Honneth le besoin de reconnaissance est l’une des caractéristiques de la nature humaine, inter subjectivement et socialement constituée[7]. Dans ses analyses il conclut que les attentes de reconnaissance sont intimement liées au processus de socialisation ;  il l’explique en démontrant que  le rapport positif à soi étant inter subjectivement constitué dans des rapports de reconnaissance, il est également inter subjectivement vulnérable et en attente de confirmation.

C’est parce que le rapport positif à soi est inter subjectivement vulnérable que les individus sont essentiellement en attente de reconnaissance. Sur la base de cette idée, Honneth distingue différentes formes d’attentes de reconnaissance ; elles-mêmes liées à différents types de rapports positifs à soi, acquis à travers différentes formes de socialisation.

2- Les types de reconnaissance[8] selon Honneth.

            Le premier type de reconnaissance est la sphère de l'amour : Il s’agit à travers cette forme primaire de reconnaissance de confirmer aux individus ‘en chair et en os’ leur « capacité à être seul » dans la satisfaction de leurs besoins et l’assouvissement de leurs désirs. Elle touche aux liens affectifs unissant une personne à un groupe restreint. Seule la solidité et la réciprocité de ces liens confèrent à l'individu cette confiance en soi sans laquelle il ne pourra participer avec assurance à la vie publique. S’appuyant sur les travaux de Donald Winnicott à propos du rapport originaire liant la mère au nourrisson, Honneth caractérise la reconnaissance amoureuse comme un équilibre constitutif de l’identité personnelle entre l’état de dépendance et l’autonomie de soi. L’amour au sens de rapports interpersonnels de proximité (liens familiaux, amicaux, amoureux) en est le vecteur privilégié et la « confiance en soi ».

 Le deuxième type de reconnaissance est juridico-politique : à la différence de la reconnaissance amoureuse, la reconnaissance juridique ne part pas de l’individu ‘en chair et en os’, mais présuppose la perspective d’un « autrui généralisé » (George Herbert Mead) sous la forme d’un sujet auquel est reconnu la capacité formelle et universelle de poser des jugements pratiques et de rendre compte de ses actes. La reconnaissance de la personne juridico-morale passe par le vecteur du droit entendu comme réciprocité entre les droits et les devoirs. Le rapport positif à soi que vise la reconnaissance juridique (ou morale au sens strictement kantien du terme) est la dignité ou le « respect de soi » : « c’est parce qu'un individu est reconnu comme un sujet universel, porteur de droits et de devoirs, qu'il peut comprendre ses actes comme une manifestation [respectée par tous] de sa propre autonomie »[9]. En cela, la reconnaissance juridique se montre indispensable à l'acquisition du respect de soi. Mais ce n'est pas tout. Pour parvenir à établir une relation ininterrompue avec eux-mêmes, les humains doivent encore jouir d'une considération sociale leur permettant de se rapporter positivement à leurs qualités particulières, à leurs capacités concrètes ou à certaines valeurs dérivant de leur identité culturelle.

 Le troisième type de reconnaissance est  culturel :   elle ne porte ni sur un individu concret, ni sur la personne juridico-morale abstraite, mais sur les sujets ‘à part entière’ qui, à travers leurs propriétés et leurs trajectoires de vie singuliers, forment la communauté éthique d’une société. Le vecteur par lequel transite la reconnaissance culturelle est le travail social considéré comme la prestation ou la contribution qu’apportent les différents sujets qui la composent à la communauté éthique des valeurs. Dont résulte alors l’estime de soi ou le sentiment de sa propre valeur.

 

II- La question anglophone au Cameroun comme lutte pour la reconnaissance.

  1. La reconnaissance sociale des anglophones au Cameroun et l’expérience du déni de reconnaissance.

L’individu se constitue par l’intermédiaire, outre de l’identification à autrui, de la reconnaissance par autrui nous dit Axel Honneth. C’est dans ce deuxième mouvement que réside tout l’enjeu de la crise sociale que vit notre pays depuis quelques années déjà. Car, c’est justement le déni de reconnaissance qui, il semble, est à l’origine de ces pathologies sociales, puisqu’il empêche alors la construction de « l’individu anglophone camerounais ». Suivant un schéma dichotomique très présent d’ailleurs chez Axel Honneth, celui du mépris versus la reconnaissance, force est de constater en effet qu’un individu méprisé, ou qui le ressent tel quel, ne peut se réaliser de manière positive, devenir un individu entier, un citoyen à part entière non « mutilé ».

  1. L’essor du malaise anglophone au Cameroun : évocation de quelques faits historiques.

Le 06 Mai 1972, Ahidjo annonce à l’Assemblée Nationale qu’il a l’intention de transformer la République Fédérale en un Etat unitaire, à condition que l’électorat l’appui dans un referendum qui se tiendra le 20 Mai ; abrogeant ainsi la clause I de l’accord de Foumban de 1961 : « any proposal for revision of the present constitution, which impairs the unity and the integrity of the Federation shall be inadmissible»[10].

Le manque d’unité et la sévère répression ont empêché les dirigeants Anglophones d’exprimer ouvertement leurs critiques sur la domination francophone du régime Ahidjo jusqu’en 1982.

En 1983, le gouvernement va promulguer une ordonnance modifiant l’examen du GCE advance level en le rapprochant du Baccalauréat. Les manifestations  et le boycott qui en ont résulté ont été réprimés par la brutalité policière à l’université de Yaoundé et dans les centres urbains.

En 1984, le gouvernement va sans consultation et de son propre chef, changer le nom du pays : on passera alors, malgré de fortes protestations, de la « République-Unie du Cameroun » à la « République du Cameroun » - appellation du Cameroun (francophone) avant la réunification.

 En 1985, Fon Gorji Dinka, avocat anglophone, est arrêté parce qu’ayant distribué une pétition déclarant le gouvernement Biya inconstitutionnel et appelant le Cameroun méridional à devenir indépendant. Presque simultanément, deux mémorandums sont soumis au congrès de l’UNC au pouvoir à Bamenda, par des membres de l’élite du Nord-Ouest et du Sud-Ouest résidant à Douala, ceci afin d’attirer l’attention sur le sentiment de sa mise à l’écart de la minorité anglophone…[11]

Ces différentes « atteintes et entraves » à la reconnaissance, entraînent une expérience du mépris (qui affecte négativement le rapport à soi et aux autres) des anglophones du Cameroun. On assiste alors à la dissolution de la confiance en soi en tant que personnes dignes d’affection, à la perte du respect de soi comme membres de la communauté nationale d’égaux en droits et à la perte de l’estime de soi comme sujets contribuant par leurs pratiques à la vie commune. Les anglophones se voient  refuser les conditions d’une formation positive de leur identité, - ils sont devenus des « anglo-fous ».

On a tôt fait de leurs opposer que l’Etat unitaire est le résultat du vote massif du peuple camerounais tel qu’il a été exprimé « volontairement » lors du référendum de 1972. Quand parallèlement, en réponse à leur demande pour un retour à l’Etat fédéral, on ne leur rétorque pas que c’est très couteux, susceptible de provoquer des sentiments ethniques et régionaux plutôt que la conscience nationale ; quand on n’assimile pas simplement le fédéralisme à la sécession…

Dans bien des cas, ces expériences du mépris deviennent des motifs de luttes visant à retrouver des relations de reconnaissance sous une forme « pleine et entière ». Il aurait donc été convenable d’être attentif aux effets négatifs engendrés par ce qu’ils considèrent comme la dépréciation de certains modèles de réalisation de soi, pour mitiger ou éradiquer tout risque de violences et de  radicalisme .Violences de plus en  plus légion dans cette zone du pays, eu égard au fait que ceux qui se conforment à ces modèles particuliers ne puissent plus accorder à leur existence la moindre signification positive et, eu égard  à la dépréciation et/ou au déni particulier de reconnaissance de ce qu’ils considèrent comme faisant partie d’eux-mêmes.

Par ailleurs, il convient de noter que la reconnaissance sociale, comme le dit Honneth, est aussi liée à la dimension du passé. Les anglophones échouent donc à se sentir membres à part entière de la société camerounaise dans laquelle ils sont pourtant nés, aussi longtemps que l’histoire de leur groupe n’a pas été publiquement et/ou entièrement restituée et débattue.

  1. La question de l’insensibilité et de la marginalisation.

Axel Honneth envisage en outre un type de déformation de la reconnaissance («  l’invisibilité sociale »), qui correspond à une autre modalité du mépris. Abordant cette question de l’invisibilité, il est amené à préciser le concept de reconnaissance en s’inspirant du concept kantien de « respect » : un acte de reconnaissance suppose une limitation du point de vue égocentrique du sujet, soit une forme de décentrement de soi conférant à l’autre sa « valeur sociale ». Reconnaître revient alors à « attribuer au partenaire autant d’autorité morale sur ma personne que j’ai conscience d’en avoir moi-même en ce que je suis obligé d’accomplir ou de m’abstenir de certains types d’action »[12].

C’est donc par des gestes expressifs que les sujets humains manifestent la valeur positive de leurs partenaires d’interaction dans une reconnaissance mutuelle. Inversement, l’absence de cette médiation expressive revient à leur signifier leur inexistence sociale ou alors un dédain pour celle-ci ; à les rendre invisibles, et par conséquent, les soumettre au mépris.

       Une analyse naïve peut nous permettre ici de faire un parallèle entre le besoin de reconnaissance des anglophones et le déni de reconnaissance affiché par les exo groupes – francophones en présence. Le simple fait pour certains membres de ce dernier groupe de nier l’existence même d’un problème ou tout au moins d’une « question » anglophone est considéré comme un manque de respect à l’égard de l’endo-groupe anglophone, une tentative d’avilissement, la négation même de leur existence.

Aussi, la faible captation des ressortissants anglophones dans les hautes sphères de prise de décision, la relégation de la langue anglaise comme deuxième langue officielle, le fait que « bamenda » soit devenu dans l’imagerie populaire, le synonyme de personne déraisonnable, extravagante, marginale…, renforce l’endo-groupe anglophone dans le sentiment selon lequel, il n’aurait pas de valeur sociale, ou tout au moins, pas la même valeur que tout autre groupe constitutif de la société camerounaise.

Le résultat est celui qu’on sait. Les revendications corporatistes avec la marche de protestation des avocats anglophones – 08 Novembre 2016, la grève des enseignants d’expression anglaise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest – 21 Novembre 2016-, le mouvement d’humeur des étudiants de l’Université de Buea réprimé avec violence et force…qui se sont rapidement mués en grève générale ponctuée de revendications politiques remettant en cause - par certains côtés -, à la fois la forme et le fonctionnement de l’Etat du Cameroun.

 

  1. Reconnaissance des anglophones oui ; mais faisons attention quand même.

  1. Pathologie de la reconnaissance chez les anglophones au Cameroun.

Nous nous devons de faire part d’un paradoxe qui existe autour de la reconnaissance et qu’Elena Pulcini[13] met très bien en lumière dans son article « Pathologies de la reconnaissance ». On peut le synthétiser en trois prémisses : (i) la reconnaissance d’autrui est nécessaire pour la construction de sa propre identité, (ii) désirable de ce point de vue-là, la reconnaissance peut devenir l’objet de la « passion du Moi », (iii) la « passion du Moi » conduit à la construction d’un faux Moi.

Expliquons rapidement chacune des prémisses.

Tout d’abord la première :

  1. la reconnaissance d’autrui est nécessaire pour la construction de sa propre identité. En effet, nous avons vu que la reconnaissance correspond à une manifestation de la valeur d’autrui et est ainsi, en tant que telle, primordiale pour la construction sociale du sujet et son développement. Il est nécessaire et indispensable que les anglophones soient reconnus sur les plans : affectif, politico-juridique, et culturel pour que ceux-ci puissent être des citoyens à part entière.
    (ii) Parce que la reconnaissance est nécessaire pour la construction de sa propre identité, elle est désirable et peut en ce sens devenir l’objet de la « passion du Moi»[14]. Cette passion entraine alors une compétition entre les hommes qui recherchent tous un perfectionnement moral du Moi par amour propre ; c’est très souvent pour le cas d’espèce, le fait d’une élite qui cherche à exacerber une situation pour, par la suite, profiter de rente politique qui pourrait en découler. Mais il ne s’agit pas seulement de rivalités pouvant mener à des conflits.
     (iii) En effet, voici la troisième prémisse de ce paradoxe : La « passion du Moi » conduit à la construction d’un faux Moi. Le désir d’obtenir la reconnaissance publique incite en effet les individus à construire leur propre identité selon les attentes et les valeurs de l’autre. Ainsi le paradoxe dont nous faisons état peut se résumer de la manière suivante : la reconnaissance de la part de l’autre, nécessaire pour la réalisation de soi, exige la construction d’une fausse identité menant à une auto-tromperie.
    Il s’agit bel et bien, nous dit Elena Pulcini d’« une idée de reconnaissance pathologique [qui] se configure pleinement comme l’effet de ce que nous pouvons justement définir, avec Honneth, des « pathologies du social » : c’est-à-dire d’une structure sociale corrompue et injuste qui empêche toute « autoréalisation individuelle»[15]. Or, la conclusion d’une telle thèse est que l’idée de reconnaissance morale n’est pas donnée à priori, puisque nous nous fourvoyons en quête de reconnaissance. Elle révèle aussi une distinction conceptuelle entre ce qui serait une reconnaissance authentique et une fausse idée du désir de reconnaissance » où la distribution de marques de reconnaissance devient outil de gestion de la ressource humaine dans le pays par exemple. Cet aspect négatif de la reconnaissance, dont parle Elena Pulcini et d’autres commentateurs, Axel Honneth le désigne sous le terme de « reconnaissance idéologique »[16]. Il  fait donc une distinction conceptuelle entre reconnaissance idéologique et reconnaissance non idéologique, qu’il appelle également « reconnaissance justifiée », pour faire face aux critiques, qui lui reprochent essentiellement le fait que sa théorie de la reconnaissance n’ait pas de critères pour distinguer une reconnaissance authentique d’une fausse reconnaissance.

L’argument d’Axel Honneth consiste essentiellement à dire qu’une promesse institutionnelle de reconnaissance est idéologique/abstraite, lorsque celle-ci ne peut pas être honorée par l’institution en question, comme cela peut être le cas, encore une fois, lorsque la distribution de marques de reconnaissance devient un outil de gestion de la ressource humaine (un ministre par-là, deux directeurs généraux par ici, trois préfets...).

  1. La reconnaissance source de pathologies sociales dans le pays.

En effet, dans sa distinction entre reconnaissance idéologique et reconnaissance justifiée, Axel Honneth répond à la question sur l’identification d’adressage de fausse reconnaissance  qui n’est pas honoré, mais ne dit rien à propos de la reconnaissance lorsqu’elle devient source de pathologies sociales : il ne s’agit plus seulement d’un adressage de reconnaissance qui ne serait pas véritable, mais la reconnaissance, ou plutôt le besoin de reconnaissance, qui porte lui-même atteinte aux conditions de réalisation de soi. Il s’agit là de reconnaissance idéologique, mais au sens fort du terme marxien : lorsque les individus traduisent leurs conditions d’existence à travers la reconnaissance à laquelle ils aspirent en vue de leurs intérêts et non plus en vue de sa vraisemblance.

Pour le cas d’espèce, nous pourrions ici être en présence d’une compétition entre régions : très souvent, au nom de l’impératif de reconnaissance, les ethnies, les régions et même les partis politiques deviennent des groupes de pression dans les nominations aux postes administratifs et gouvernementaux. La compétition ethnique est engagée avec comme objectif de consolider la solidarité dans l’ethnie et se protéger contre l’hégémonie des autres ethnies (pour ce faire, chacun y va de ses revendications et de ses pressions au pouvoir).

Cependant, la grande honte c’est de constater que les revendications identitaires, ethnocentriques, les intrigues et les menaces contre la « quiétude » de l’Etat en l’occurrence, ne se font  pas autour des projets de développement. Ils se font autour des postes administratifs et ministériels en faveur des individus, un « frère », un « fils du pays » qui en eux-mêmes, n’ont aucune importance puisque n’apportant aucun changement dans la vie de ces groupes (d’où les « paradoxes [de quelques forts] pays organisateur »).

Pour revenir à des vues beaucoup plus générales, ne voyons-nous pas ici et là, des leaders qui font du nationalisme leur cheval de bataille ? Encore une fois, les populations n’y gagnent rien, elles servent juste de remparts et de moyens de pression.  

Il faut peut-être voir à travers ce renversement de la reconnaissance, une insuffisance du concept de reconnaissance, qui devenu norme n’est pas autocritique d’une part et est peut-être insuffisant également, pour faire état du développement des individus dans la société.  La théorie de la reconnaissance est certes pertinente lorsqu’elle souligne ce qui est fondamental dans la construction de l’identité (c’est-à-dire avoir un rapport positif à soi, qui demande toujours à être confirmé dans des rapports de reconnaissance), mais, en restant dans un champ normatif, elle oublie parfois de prendre plus en considération les effets des rapports structurels de domination sur l’existence individuelle.

Quoi qu’il en soit, et pour reprendre Emmanuel Renault, l’idée que la reconnaissance puisse effectivement avoir une dimension idéologique « ne débouche pas nécessairement sur une réfutation du programme de la théorie de la reconnaissance. Elle définit bien plutôt un défi qu’elle tente de relever pour être à la hauteur de ses ambitions critiques. » Et, évidemment notre analyse sur la question anglophone au Cameroun ne déroge pas à cette conclusion

 

        La problématique de la reconnaissance s’impose aujourd’hui comme un grand thème intégrateur des sciences sociales et politiques. Il émerge à l’occasion d’une forte remise en question de la théorie de la justice procédurale d’inspiration économique à l’aide des travaux du philosophe allemand Axel Honneth  avec son ouvrage lutte pour la reconnaissance précédés de ceux de Hegel sur la subjectivité humaine et Marx sur la lutte des classes.

        La théorie de la reconnaissance se présente alors comme un nouveau schème permettant de subsumer des revendications aussi différentes que celles des minorités raciales, ethniques ou sexuelles et, plus largement, toutes les formes de discrimination présentes dans les sociétés actuelles tant au niveau micro-méso qu’au niveau  macro-méga ; théorisant de ce fait les origines des conflits, des crises. La pertinence de cette théorie se justifie en ce sens qu’elle apporte un nouveau regard anthropologique ; social et éthique sur  le problème de reconnaissance comme cause des conflits. D’après Axel Honneth, en effet, seuls les sujets reconnus par un alter ego disposent d’un rapport suffisamment positif à soi pour pouvoir chercher à agir dans le but de valoriser leurs existences et de transformer la société pour y rendre la vie meilleure.

     Ces anglophones dérangent, ils n’ont pas de problèmes spécifiques, ils sont manipulés… Le fait d’ainsi pointer du doigt, les populations anglophones qui revendiquent en sus, ni plus ni moins que la reconnaissance dans ces trois sphères tel que défini par Honneth (amour, juridico-politique et culturelle) ne mettra pas fin, et ne réduira en rien ce sentiment, leur ressentiment ; bien au contraire ! Il est possible qu’il s’apaise, mais ce sera pour qu’il revienne de façon plus forte - sous une forme plus dure, plus radicale - et beaucoup plus véhémente. Se prémunir de toute présomption de connaissance et prendre à bras le corps cette question pour lui trouver des solutions pérennes serait la voix idoine. Sans doute aussi qu’un nouveau/autre type de leadership est indispensable pour que cette question puisse être réglée de façon efficace et définitive.

 

 


Notes 


[1] Une analyse critique des sciences sociales dans une perspective néo marxiste, portée notamment par l’Ecole de Frankfort. Cette école se penche sur les concepts de critique comme :
• au sens des Lumières : la raison pour décrypter les textes,
• au sens de la philosophie idéaliste allemande : voir Kant (épistémologie),
• au sens marxiste : il faut prendre conscience de la situation pour s'en libérer.
[2] Par « pathologies sociales », Honneth entend des relations ou des évolutions sociales qui portent atteinte, aux conditions de réalisation de soi.
[3] Voir également pour la présentation de ces thèses : « La Théorie de la reconnaissance : une esquisse » et « Visibilité et invisibilité : sur l’épistémologie de la "reconnaissance" », Revue du MAUSS n° 23, 2004. Surtout : Alain CAILLE (sous la direction de), La Quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total, La Découverte, 2007. Et : Haud GUEGUEN, Guillaume MALOCHET, Les Théories de la reconnaissance, Repères, La Découverte, 2012. [130 p.]
[4] Il s’agit dans ce contexte de l’idée de l’état de nature
[5] HEGEL ; G.W.F, Phénomélogie de l’Esprit, Paris, Vrin, 2006,P 201, cité in Ritz, Mahaut : Reconnaissance et identité : Deux concepts critiques dans la philosophie d’Axel Honneth , 2011-2012.
[6] Marx, Karl, L’introduction à la Critique de la philosophie du droit de Hegel (1844), Paris,
Ellipses, 2000, cité in Ritz, Mahaut : Reconnaissance et identité : Deux concepts critiques dans la philosophie d’Axel Honneth, 2011-2012
[7] Ritz, Mahaut : Reconnaissance et identité : Deux concepts critiques dans la philosophie d’Axel Honneth, 2011-2012
[8] Axel Honneth, La Lutte pour la reconnaissance, Cerf, 2000 (traduction française de l’édition allemande de 1992, seconde édition allemande complétée en 2003). Voir aussi Annexe : Autres auteurs qui invitent à prendre la mesure des différents usages de la « reconnaissance » :
I – Dans le monde antique - Platon et Aristote
II – Dans le monde du travail - notamment le succès d’une notion ambiguë – les dénis de la reconnaissance au travail et le questionnement : « la reconnaissance comme idéologie ? »
III – Fondements et enjeux d’une politique de la reconnaissance, notamment dans la vision multi culturaliste : thèses de Charles Taylor et de W. Kymlicka ; expériences et controverses sur les politiques e la reconnaissance.
IV – Critiques du paradigme de la reconnaissance – autour des usages critiques conduits par Nancy Fraser (reconnaissance versus redistribution) ; l’approche de la pensée du don (Marcel Mauss…) ; les travaux de Judith Butler – reconnaissance et question du genre…)
[9] Axel Honneth, op.cit.
[10] Cité in, Piet Konings, Francis Nyamnjoh, The Anglophone problem in Cameroon, The Journal of Modern African Studies, 35, 2(1997), pp. 207-229
[11].OP. Cit.
[12] Honneth A., la société du mépris : vers une nouvelle théorie critique, p.29
[13] Mahaut Ritz in « Reconnaissance et identité » donne la référence suivante pour Elena Pulcini : Pulcini, Elena, dans Caille, Alain (Dir.), Lazzeri, Christian (Dir.), La reconnaissance aujourd’hui, Paris, CNRS Editions, 2009 p.403-425.
[14] C’est Elena Pulcini qui conceptualise l’idée de la « passion du Moi » en se servant de l’héritage de différents philosophes. Il s’agit en particulier de l’héritage de Hobbes et de sa « lutte pour l’ « honneur » » qui entraine des conflits entre les hommes pour que soit reconnue leur supériorité, de celui de Pascal et de son Moi pascalien qui tend, par vanité, à tromper les autres et lui-même en construisant une image de lui non authentique, ainsi que de l’héritage philosophique de Rousseau avec sa « passion de la distinction » engendrée par l’apparition des premières formes de lien social et qui entraine une rivalité entre les hommes dans une course à la reconnaissance. Bien sûr ces philosophes utilisent des concepts différents et n’expliquent pas cette « passion de Moi » obligatoirement de la même façon, mais il transparait néanmoins que ceux-ci s’accordent sur l’existence de cette passion issue de notre besoin de reconnaissance.
[15] Op. cit. p.417
[16] Un article y est consacré, « la reconnaissance comme idéologie », dans Honneth, Axel, La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique, Paris, Editions La Découverte, 2006, 2008,


Wednesday, November 23, 2016

Contesting Boundaries: Migration - the defiant search for success in today's Africa


AYENKA FRANKLIN
MASTERS IN SOCIAL SCIENCES AND INTERNATIONAL RELATIONS
Demographic Politics, Migration and Development in Africa


Content
1.      Introduction
2.      Why do people defy boundaries
3.      Objectives of the study
4.      Theoretical underpinnings
5.      Methodology
6.      observations
7.      Analysis of information
8.      The results
9.      Conclusion
1.  Bibliography


Introduction
The continued liberalization of world trade, the movement of goods and capital by which this is measured, and the devastating effects of war on humanity has been matched by a spectacular movement of persons in a defiant search for success and security. Hence there is a consequent decline in the control power of the nation-state over population movement as migrants struggle to resist state oppression because they feel excluded from the opportunity to improve their livelihoods or are threatened by violence conflicts. This has been described today as a new “age of migration” print and visual media.
The defiant search for success is about how migrants defy national and international law in their search for success and security through their different activities as they find themselves excluded from opportunity and tend to transgress boundaries of the law to commit illegal activities.[1] The study Paris-Congo by two experienced anthropologists examines the world of informal commerce between Europe and Africa, particularly as carried out by traders from Kinshasa and Brazzaville through their personal networks centered in Paris. Faced with disorder and economic breakdown in their home countries, these enterprising men and women have found ways to evade the normal rules of travel and exchange to exploit opportunities to supply niche markets in Europe's immigrant communities. By recording and analyzing life histories, the authors show how traders construct and organize their businesses, build on relationships of trust with family, friends, and members of their ethnic groups, and ultimately develop identities that provide meaning, status, and zest in their precarious lives. A fascinating look at the underside of globalization and what the authors call the counter-hegemonic perspective of “debrouillez-vous” (fend for yourself) among those excluded from the world of "legitimate" commerce is central to this work. Due to the difficulties in accessing visas, these migrant traders use route and survive in ways that are rough and mind boggling.[2] This article responds to questions centered on those who do not and will not accept exclusion from opportunity and fend for themselves with the will to succeed in spite of the constraints of national and international authority that lose sight of the fruition or returns of such ventures on local communities or places of origins of the traders.
1.      Why Do People Defy Boundaries
Among the various models attempting to explain why migration from Africa to Europe and elsewhere in search for better lives in spite of the restraints put in place by governments and international agencies. The four approaches which can be used are the following:
a.                   Neoclassical economics in Europe and Africa (Macro and Micro). Macro theory views geographic differences in the supply and demand for labor in origin and destination countries as the major factors driving individual migration decisions. The economic difference of the two distinct geographical regions of Congo and Paris encourages the defiance of national boundaries in search for success.
b.                  Neoclassical micro economic theory focuses on the level of individual rational actors such as the numerous sub-Saharan Africans who make decisions to migrate based upon a cost-benefit calculation that indicates a positive net return to movement. And in this case it is the returns from trade even though it might be illegal.
c.                   Dual labor market theory holds that demand for low-level workers in more developed economies such as Western Europe, is the critical factor shaping migration from sub-Saharan Africa to Europe.
d.                  World systems theory focuses not on labor markets in national economies, but on the structure of the world market; notably the "penetration of capitalist economic relations into peripheral, non-capitalist societies," which takes place through the concerted actions of neocolonial governments, multinational firms, and national elites.
The questions here are how do these approaches influence the defiant search for success by Africans in Europe and in communities far away from theirs? What kind of activities do they determine to carry out to assure their success? Most often the activities of most migrants as posited by the author of the article are more often illegal trade. So, why is this type of trade considered a resistance and who or what exactly are they resisting? The answers these questions are childishly simple from the author’s point of view. The activities of traders in search for success constitute smuggling which is an act of rebellion against political and economic systems and the dominant groups.
2.      Objectives Of The Article
The objectives of the study are mainly:
                     To examine the degree and extent of transnational migration and trade from Africa to Europe by combining the high standards and frank reality that has characterized the series of meticulous and illuminating empirical case studies.
                     To identify the categories and nature of transmigrating traders from Africa and their type of trade which defies national boundaries in the name of success;
                     To determine the typologies of migrants and trade from Africa;
                     To examine the impact of traders defying boundaries in their endless search for success on Africa and receiving countries.
3.      Problematic/ Theoretical Underpinnings
Scholars of transnational thesis have identified five major characteristics of trans-nationalism which when compared with the study immigrants supports the transnational thesis. First, among trans-migrants, there is a high frequency and intensity of exchange, diverse modes of transaction, and multiplicity of activities that lead to travel and contacts ,
This study found that immigrants travel to their home countries and back, which involves an increasingly high intensity of exchange of goods between Europe and their home countries
Second, transnational activities are tied into the expansion and internationalization of capitalist production[3]. The argument sees the increase demand for cheap labor in the north, facilitated by improvement in communication and technology, especially in menial jobs in the service sectors of urban areas as lead causes attracting Southern workers to economies of urban North.[4]  note that, “It is this thick web of regular and instantaneous communication and travel that we encounter today that differentiates trans-nationalism from the otherwise ad-hoc and less frequent back and forth movement of migrants of the past”. Even though this study shows an opposite direction of mainstream migration from Africa to Europe, the postulated African–European flow of migrants is synonymous with movements from less developed to more developed regions.
Third, trans-nationalism should be interpreted as new ways of understanding and interpreting migrants’ identities. The argument is, traditional migrants would abandon their identities and adopt new ones, what Crush and McDonald described as “casting of the old and absorbing the new”. This is best explained by the assimilation hypothesis. Trans-nationalism has rendered such hypothesis anachronistic. For transnational migrants, identity is a hybrid in which they take on multiple identities, including a combination of home and host countries. Transnational migrants understand that successes in host country depend on preserving their identity and adopting new ones, not abandoning their home identity (socio-cultural and linguistic traits).
Based on the cumulative theory of transnational migration, the fourth feature of trans-nationalism considers migration as an interactive process that becomes increasingly independent of the conditions that caused it (Massey et al, 1994; 1998). This feature fits the study immigrants when considering their knowledge, experiences, social contacts, interactions, networks, and their changing asylum motives. c.           Cumulative causation theory holds that, by altering the social context of subsequent migration decisions, the establishment of international migration streams creates "feedback" that makes additional movements more likely. Among the factors affected by migration are the distribution of income and land; the organization of agricultural production; the values and cultural perceptions surrounding migration; the regional distribution of human capital; and the "social labeling" of jobs in destination areas as "immigrant jobs." Again, once a "migration system" has developed, it is often resistant to government policy intervention.
Finally, new cultural strategies of adaptation, the sheer size and diversity of migrants’ communities, new technologies of communication and transportation offer new modes of resistance to exploitation and discrimination of migrants. The study results show that xenophobia, affirmative action policy, and discrimination have forced migrants to set up their own social order. Immigrants in the study resist xenophobia, discrimination and exploitation in many ways. They adapt to the socio-cultural modes[5]  in Europe.
Therefore, to fight this social ill that circles them out from opportunity Africans migrate to Europe and engage in trading and other business activities. Interviews with immigrants suggest profit maximization as their ultimate goal. Findings further show that immigrant business owners who based their transactions on the basis of more accurate assessments of immigrants gain a competitive advantage over the majority of Europeans who are more blinded by prejudice. Entrepreneurial members of immigrants’ communities in the study take advantage for economic gains by employing and managing qualified but discriminated immigrants. For these immigrants their ultimate goal is profit maximization. Interviews suggest and attribute the successes of immigrants’ fruit and vegetable shops.
4.      Methodology
The strength of the work is in ethnographic detail and argument. "Congo-Paris" is a fine example of the recent trend in anthropology away from the localized study of communities and towards analysis that transcends geographic boundaries. Not that this study is "multi-sited" (to use the dominant buzzword): MacGaffey and Bazenguissa conducted their fieldwork for the book entirely in Paris, interviewing dozens of subjects from both Congo-Brazzaville and Congo-Kinshasa. But Paris is just one venue in these transnational subjects' life histories as they range back and forth across national, legal, commercial, and cultural frontiers. It investigates the transnational trade between Central Africa and Europe by focusing on the lives of individual traders from Kinshasa and Brazzaville who operate across national frontiers and often outside the law. Challenging the boundaries of traditional anthropology
This book is a highly successful and creative collaboration between Janet MacGaffey, an anthropologist who has studied the "second economy" in the Congo for many years; Remy Bazenguissa-Ganga, a sociologist who has studied and published on "la sape"; and a dedicated research assistant, himself a trader and sapeur. Since the traders work on the margins of the law and are highly mobile, they are a challenging population to study. A pivotal methodological issue is trust. For six months, primarily in Paris in 1994, the researchers gained the traders' trust and followed the lives of some twenty individuals, about half of whom were "sapeurs." Using network analysis, they show how “sapeurs” construct connections that extend through time, space, and culture, as they circulate commodities between countries. MacGaffey and Bazenguissa-Ganga elucidate the organization of the trade, how it can function in the absence of a supportive legal system, and how traders find opportunities to avoid oppressive constraints by operating outside state laws
While the authors set out to validate the Congolese quest for relief from political and economic hardship at home, the image they present of this loosely-defined community of traders will do nothing for its image abroad. These individuals define themselves through the act of quietly circumventing the rules (particularly import duties and immigration laws), resisting governmental authority without manifesting any visible signs of dissent. This is understandable, given the corrupt and authoritarian Congolese regimes of recent decades. But the transnational traders' ethos of stealthy noncompliance extends to their overseas existence as well, with the result in these Parisian cases being a gamut of criminal activity from smuggling and apartment squatting to drug dealing and theft. "Model immigrants" they are not, regardless of whether their behavior represents a survival strategy. One wonders just how representative this underworld is of the larger community of Congolese living in Paris, and whether those Congolese living more lawful existences there object to being tarred with this brush of illegality.

5.      Observation
Such moral qualms aside, I give "Congo-Paris" high marks for its thorough and penetrating analysis of its subjects, a very difficult group to interview given its members' legal status and clandestine activities. No doubt its success owes much to the collaboration between MacGaffey (British) and Bazenguissa (Congolese). The book also skillfully negotiates the difficult and shifting theoretical territory of anthropology to bring outside perspectives to bear on its subjects. Finally, it makes a strong case for redefining anthropology in the context of ongoing processes of globalization. I suspect that we will be seeing a good many more studies like this one in the future
Chapter 5 which is the bases of this work entitled “Contesting boundaries: the Defiant Search for success” richly describes how personal relations work as an impressive illustration of the vigour of coping in the most daunting conditions of economic and political collapse. The norm of reciprocity informs the structures and values traders use. The authors show how customary emphasis on redistributing wealth among kin puts unique pressures on the traders and how traders interpret occupational mishaps and personal illness as consequences of their actions. This fascinating book explores a neglected topic in African studies: petty transnational illegal trade between central Africa and Europe. The book is unusual in at least three ways. First, it is concerned with the informal sector, focused as it is on the commercial activities of young traders who seek their 'fortune' by setting up links between France and Africa. Second, it discusses in some detail the question of African identity as it evolves in the course of such a long bi-continental roving existence. Finally, it examines the relationship between seemingly insignificant trading activities and the evolution of globalization - as it applies to Africa based on a relatively new form of anthropological research.
6.      Analysis  of information
The study’s findings show that people who cheat the state or break its laws feel that, since their leaders steal the state’s goods, they can do the same; they say “if the authorities want us to stop, they must stop stealing the state’s goods themselves.”[6] They then defy the boundaries of the law, by carrying out unlicensed trade. Discussions with immigrants show preferences to continue in a similar job or get better-paid jobs in Europe than engaging in small business activities. An immigrant tuck-shop owner explains further: “I was a professional teacher in Cameroon but because I don’t have a teaching or any other better job, I have to open this shop to sustain my family.” The majority of immigrants in the study explained similarly, noting that lack of jobs give them little option outside engaging in small business ventures. The succeeding section examines some immigrant business activities and trade. 
7.      The results: Contesting boundaries and surviving outside the law
Shaw (2001) traces and blames the origin of West African criminal networks in Europe on corruption of state functionaries, rapid technological changes and the collapse of the nation state. Kihato and Landau (2006) argue that migrants’ search for autonomy from state efforts at regulation end up as part of the "uncaptured urbanite." While immigrant criminal activities are not limited to the "uncaptured urbanite," the argument here is that immigrants are forced into criminality largely even though not entirely to ‘West-a-phobia’. While there is no crime free-society, the disturbing aspect of crime in South Africa is the violent nature of the crime itself.
Different sociological views: strain, interactionist, radical and control, best explained the causes of crime in society. But in France the situation is unique with complex combinations of different sociological explanations. Such complexity of crime appears to explain why the country has become a target of major international crime syndicates, and an attractive location for money laundering and sophisticated fraud. More often these ills and odds are blamed on West Africans in South Africa. A Functionalist theorist like Durkheim for example, points out that crime is caused by increasing social strains which are inevitable, normal and ever increasing. Foucault notes that tighter and more meticulous law can result to increasing numbers of offenders. While the causes of crime in Paris are not of concern here, it however highlight on why some immigrants engage in activities outside the margins of the law. Findings suggest that criminal activities are survival options for discriminated and unemployed immigrants. Elsewhere, they are resistance practices common amongst the poor and the politically powerless; while others think it’s a ‘weapon’ of the poor. In this study, immigrants use terms like, “bush-faller”, and ‘Cam-air ’, to symbolize and justify their lifestyle geared at profit maximization. Similarly, immigrants in Paris use metaphors like “debrouiller” “l’aventure” and “to fend for oneself” to justify their actions. Metaphors and idioms symbolize a way of life geared towards self-realization and gratification, and are descriptions for improving oneself irrespective of the price (MacGaffey and Ganga, 2000). Immigrants contest boundaries for self-realization
Shaw argues that West African criminal groups without specific corporate structure or hierarchy are classic examples of criminal networks. While this is not to deny the existence of highly structured African criminal networks in Paris, the focus is more on loose immigrant networks and suggestive of their effectiveness in illegal business transactions.  Taxes and custom duties are legal boundaries transgressed by African immigrants.  Immigrants selling ethnic goods, and/or exporting goods from France, evade the payment of custom duties and related taxes. Hibou argues:
"Customs evasions or smuggling, then, cannot be considered in isolation as an activity which is simply illegal or criminal, but is better seen as one among a larger variety of techniques designed to exploit opportunities offered by the state and to gain access to the profits generated by operating between the local and international sectors."[7]
Immigrants’ connections and networks facilitate the transgression of taxes. Interview reports show that immigrants bring ethnic goods for sale in Europe.  To evade the payment of custom duties/taxes, the goods are declared as personal property and when they are sold, immigrants maximize profits. According to an immigrant, “When we bring or they send us foodstuff from home we use our connections to clear the goods and when we sell them we make reasonable profits”.

8.      Conclusions
To conclude, it is worth noting that the daily lives of the immigrants in the study depend on multiple and constant interconnections across international borders, with configured identities based on the realities in Europe and their home countries. Due to increasing levels of xenophobia, more and more immigrants are becoming trans-migrants to guarantee their survival as well as those of their family members at home. As observed: “Discrimination in Labour markets whether anticipated or perceptual discrimination creates additional incentives for self-employment including owner-operated businesses.”[8] Activities outside the margins of the law by discriminated immigrants are not uncommon. The cases of Congolese immigrants in Paris (Congo Paris) are well established and documented. For some immigrants, these activities are resistance practices for the marginalized while for others it is just a weapon of the poor. These practices call for the reconsideration of issues around immigration policies and the treatment of immigrants in Europe. However, this is not to say that France was a crime free society, since evidence abound that there are more horrendous crimes by the French. The economic potentials of immigrants in the country can be exploited to the benefits of the French economy if immigrants are provided with documentation, allowed to study and given employment. By so doing, will reduce the rate of immigrants’ activities beyond the margins of the law.

Citations 


[1] In Howard Berker’s book Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance tries to distinguish factors that cause a person to be labeled “deviant”. He argues that the term depends not only on the characteristics of the person so labeled  but also on the transaction of the labeled person and the society that labels him. So if the people in the study are labeled as defiant in the search for success, it is because their activities are not universally agreed upon and the disagreement over them are are part of the political process of the society in which they find themselves or their host society.   
[2] African Center for Applied Research and Training in Social Development(ACARTSOD). Expert group meeting on interntional migration and development in North Africa, Rabat and Morocco 19-20th march 2007. On “Migration and development in Africa.”
[3] Crush, J. and McDonald, D. A. (2002) ‘Transnationalism, African immigration, and new migrants space in South Africa: An introduction’, in J. Crush and D. A. McDonald (eds.), Transnationalism and New African Immigration to South Africa, Cape Town: Southern African Migration Project/Canadian Association of African Studies.
[4] Portes, A, Guarnizo, L. & Landolt, P. (1999), The Study of Transnationalism: Pitfalls and Promise of an Emergent Research Field. Ethnic and Racial Studies Vol. 22, 217-237.
[5] Dressing, hairstyles, gestures, make European friends,
[6] It is an extract from the document being analyzed where people say “les hommes politiques volent les bein de l’état. Nous emprenons ce terrain…”
[7] Hibou, B. (1999), ‘The ‘social capital’ of the state as an agent of deception: Or the ruses of economic intelligence’, in J. F. Bayart., S. Ellis and B. Hibou (eds.), The Criminalization of the State in Africa, Indiana: Indiana University Press.
[8] Sowell, T. (1981), Markets and Minorities, New York: Basic Books Inc. Publishers.



References 
  • African Center for Applied Research and Training in Social Development(ACARTSOD). Expert group meeting on interntional migration and development in North Africa, Rabat and Morocco 19-20th march 2007. On “Migration and development in Africa.”
  • Crush, J. and McDonald, D. A. (2002) ‘Transnationalism, African immigration, and new migrants space in South Africa: An introduction’, in J. Crush and D. A. McDonald (eds.), Transnationalism and New African Immigration to South Africa, Cape Town: Southern African Migration Project/Canadian Association of African Studies.
  • Hibou, B. (1999), ‘The ‘social capital’ of the state as an agent of deception: Or the ruses of economic intelligence’, in J. F. Bayart., S. Ellis and B. Hibou (eds.), The Criminalization of the State in Africa, Indiana: Indiana University Press.
  • Howard Berker’s book Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance
  • Portes, A, Guarnizo, L. & Landolt, P. (1999), The Study of Transnationalism: Pitfalls and Promise of an Emergent Research Field. Ethnic and Racial Studies Vol. 22, 217-237.
  • Sowell, T. (1981), Markets and Minorities, New York: Basic Books Inc. Publishers.